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Histoire agricole De la messe de minuit aux bons vœux

A la fin de l'Ancien Régime, la messe de minuit et les étrennes sont une tradition hivernale des campagnes.

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Du 25 décembre à minuit au 1er janvier au matin, la messe de minuit et l’offrande des vœux marquent deux rituels traditionnels dans les campagnes. Mais le premier prend un sens collectif qui met en scène la communauté villageoise dans le cadre paroissial alors que le second répond bien davantage une démarche de caractère privé. Ainsi en va-t-il du village de Silly-en-Multien où nous retrouvons comme chroniqueur le maître d’école Pierre Delahaye, véritable homme à tout faire à la fin du XVIIIe siècle (voir La France Agricole du 2 décembre 2023).

Lorsque la messe de minuit est bien préparée — ce qui n’est pas toujours le cas — les bergers apportent à tour de rôle un agneau pour qu’il soit béni par le prêtre. Lampions, chandelles et porte-flambeaux illuminent l’église. Au-dessus du grand autel le mot « Noël » trône avec ses lettres de verre illuminées de l’intérieur, comme c’est le cas en 1782. Dans la crèche vivante où s’installent les paroissiens, costumés par le maître d’école, chacun joue son rôle.  Alors tous peuvent entonner, sous la conduite de notre organisateur, qui est aussi chantre, les cantiques de la nuit.

La réussite de la cérémonie tient à un minimum de sens collectif qui se manifeste surtout en 1781 : « À la messe de minuit cette année, Jean-Louis Deseaues et Marie François Vincent ont présenté chacun un agneau pour être bénis. C’est Deseaues fils qui a présenté celui de son père et le fils du berger dudit Vincent qui a présenté le sien. Adélaïde Vincent a été la Vierge et elle a eu pour compagne Catherine Lefèvre et Marie Élisabeth Delahaye. Pierre Claude Nicolas Lequeux et Pierre-Félix Vincent ont été bergers. C’est moi qui leur ai fait leurs houlettes et bandoulières. Barthélemy Cholet, Pierre Germain Denisot et Jean Pierre Nicolas Mercier ont été anges. C’est moi pareillement qui ai fait leurs ailes et ceintures. Jean Vincent m’a payé pour mes peines et fournitures de papiers et couleurs la somme de quatre livres […].

Maître d'école et auxiliaire laïc du curé, Pierre Delahaye reçoit les étrennes de ce dernier... jusqu'en 1789.

Il y avait plus de 60 bergères. J’ai mis dans l’église 92 lampions, 30 chandelles dans des porte-flambeaux, attachés de part et d’autre sans compter bon nombre de cierges. La cérémonie s’est parfaitement bien faite et dans un bon ordre. Lequeux et Félix Vincent, bergers, les trois anges et quatre bergers — savoir Geneviève Lefèvre, Geneviève Dubois, Marie Anne Lefèvre et Marguerite Porc – chantèrent alternativement le cantique : « Quittez vos troupeaux et chantons l’heureuse naissance au retour de l’Offrande. » Après le Panis Angelicus, j’ai chanté seul pour ma partie, et Lequeux et Félix Vincent pour la leur le cantique « Célébrons le roi de gloire ». On n’a pas été plus longtemps à l’office que d’ordinaire. »

Une semaine plus tard, avant ou après « mâtines », le maître d’école vient offrir, avec sa femme, qui aussi maîtresse d’école pour les filles, ses bons vœux au curé : c’est le premier jour de l’année. Il vient présenter au premier personnage de la paroisse dont il est l’auxiliaire laïc comme bedeau et carillonneur, ses « très humbles respects ». En remerciement M. le curé lui donne trois livres puis, systématique depuis 1774, un écu de six livres pour ses « étrennes ». En 1782, il le crédite même d’un verre de ratafia. Mais les choses changent le 1er janvier 1789 : plus d’écu, plus de ratafia. Delahaye a perdu ses étrennes et ne les retrouvera plus sous la Révolution.

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